♦ Enzo ***
de Laurent Cantet et Robin Campillo
Film français, 1 h 42
Né de la collaboration entre Laurent Cantet, coauteur du scénario, emporté par un cancer juste avant le début du tournage, et Robin Campillo, qui a pris la suite de son ami en assurant la réalisation, « Enzo » est une œuvre testamentaire, sensible et solaire.
Le film suit le parcours d’un adolescent en rupture, qui rejette le confort bourgeois de sa famille pour s’immerger dans la dureté du monde ouvrier, sur un chantier à La Ciotat. La maison de ses parents, vaste et vitrée, devient symbole d’un enfermement silencieux, tandis que la nuit, il cherche l’évasion dans l’eau ou les étoiles. Sa relation ambivalente avec Vlad, ouvrier ukrainien au charisme troublant, révèle un désir d’émancipation autant qu’une quête identitaire.
Enzo mêle la rigueur sociale de Cantet à la sensualité lumineuse de Campillo, dans un hommage pudique et bouleversant à leur amitié et à un cinéma profondément humain.
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♦ Avignon ***
de Johann Dionnet
Film français, 1 h 44
Dans Avignon, Johann Dionnet orchestre une comédie romantique pleine de charme, où le théâtre devient le miroir des passions. Stéphane, acteur de boulevard un peu paumé, se fait passer pour Rodrigue du Cid afin de séduire Fanny, comédienne éprise de classique. Ce mensonge, aussi cocasse que touchant, l’entraîne dans une double vie théâtrale, entre tracts dans les rues et tirades cornéliennes.
Le film, baigné de lumière estivale et d’une douce mélancolie, oppose avec finesse théâtre populaire et tragédie noble. Mais c’est surtout une déclaration d’amour au jeu, à l’illusion, et à la ville d’Avignon, qui devient le décor enchanté d’un amour naissant, porté par la poésie de Corneille et la sincérité des cœurs.
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♦ Elio **
de Madeline Sharafian, Domee Shi, Adrian Molina
Film d’animation américain, 1 h 39
« Sommes-nous seuls ? » La question, entendue lors d’une visite au planétarium, taraude Elio, orphelin d’environ 10 ans, qui a l’impression d’être un poids pour sa tante, qui l’élève. Une idée l’obsède alors : se faire enlever par des extraterrestres ! Mission vite accomplie.
Propulsé sur un vaisseau spatial accueillant les esprits les plus brillants et bienveillants de l’univers, Elio s’improvisera chef de la Terre pour résoudre un conflit intergalactique au cours duquel il se lie d’amitié avec Glordon, adorable créature invertébrée.
Écrit après la crise sanitaire, Elio est une variation amusante, colorée et sensible sur la solitude et les moyens de s’en échapper. Éloge de la coopération, de la tolérance et de l’ouverture d’esprit, ce récit initiatique place aussi tous ses espoirs dans les enfants pour sauver le monde.
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♦ Kneecap **
de Rich Peppiatt
Film anglo-irlandais, 1 h 45
Dans un Belfast encore meurtri, vibrant de tensions anciennes et de rêves nouveaux, Kneecap s’impose comme un film audacieux, irrévérencieux et profondément engagé. Le réalisateur irlandais Rich Peppiatt y orchestre une fresque urbaine à la fois chaotique et poétique, où le rap devient une arme, un cri en faveur du gaélique irlandais, une langue longtemps opprimée.
Le trio de musiciens, provocateurs, drôles et farouchement libres, incarne une jeunesse désabusée mais combative, qui transforme chaque rime en acte politique. Dans une esthétique punk et nerveuse, le film alterne entre satire mordante et gravité militante. Il capte l’énergie brute des concerts, la tension des procès et la beauté fragile d’une langue en sursis. Bien plus qu’un biopic musical, Kneecap est un manifeste à la puissance subversive de la culture.
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♦ Voyage au bord de la guerre **
d’Antonin Peretjatko
documentaire français, 1 h 02
En 2022, cela faisait tout juste 100 ans que le grand-père du cinéaste avait quitté l’Ukraine pour rejoindre la France avec le visa et le contrat de travail d’un cousin. Est-ce pour cela que, lorsque la guerre a éclaté dans ce pays, Antonin Peretjatko a souhaité faire le chemin en sens inverse ?
À la manière d’un journal de bord, armé d’une caméra 16 mm « pour déjouer le formalisme et la manière de penser que nous impose le numérique », le documentariste tente de donner chair à ce « conflit 2.0, entre Verdun et Star Wars », en filmant les cicatrices laissées par les combats des premiers jours et en faisant parler ceux qui ont quitté les zones de front, encore sous l’effroi vécu à Marioupol ou à Kharkiv.
Évidemment, depuis, de nombreux documentaires sont venus témoigner des souffrances des populations civiles. Par sa forme et son ton très personnel, le réalisateur apporte cependant son regard et son humour, car dans une guerre, explique t-il, il y a trois choses à détruire : « l’industrie, le moral, et la culture ».
♦ The return, le retour d’Ulysse *
d’Uberto Pasolini
film italo-britannique, 1 h 58
Un homme s’échoue dans une crique d’Ithaque. Un esclave, Eumée, le sauve et prend soin de lui pendant sa convalescence. En ce pauvre hère, ni lui ni les autres habitants de l’île ne reconnaissent Ulysse, leur roi parti deux décennies plus tôt combattre Troie. Pénélope, sa femme, refuse de prendre un époux comme l’y pressent ses prétendants désireux de s’emparer du pouvoir.
Uberto Pasolini rêvait depuis longtemps d’adapter L’Odyssée au cinéma. Son film au parti pris humaniste fait d’Ulysse, interprété par Ralph Fiennes, un guerrier harassé, usé par les batailles, dévoré par la culpabilité des barbaries commises et écrasé par la responsabilité de ne pas avoir ramené chez eux ses hommes, tous tombés au combat.
Mais il répète à l’envi les mêmes motifs : l’accablement d’Ulysse, l’isolement de Pénélope (Juliette Binoche), la colère de Télémaque, la vulgarité brutale des prétendants, l’atmosphère claustrophobique du palais et de l’île. Les éclairages naturels creusent impitoyablement les visages. Cette tonalité très théâtrale, à la limite parfois du ridicule, renforce l’impression d’un long-métrage étrangement pesant et inutilement étiré.
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