Dix ans de « Laudato si’ » : l’encyclique en dix phrases chocs

Des écovolontaires collectent des déchets sur une plage. L’encyclique du pape François Laudato si’, publiée il y a dix ans, fait le lien entre religion et écologie.
Des écovolontaires collectent des déchets sur une plage. L’encyclique du pape François Laudato si’, publiée il y a dix ans, fait le lien entre religion et écologie. charmedlightph – stock.adobe.com
Le 18 juin 2015, le pape François publiait son encyclique Laudato si’, entièrement dédiée à la sauvegarde de la planète. Dix ans plus tard, La Croix revient sur dix « formules chocs » du défunt pape argentin.

Dix ans après sa publication, l’encyclique Laudato si’ du pape François reste un texte d’une actualité brûlante. Fondement de ce qu’il appelle l’« écologie intégrale », ce document interroge notre rapport à la nature, à la technique, aux pauvres et à Dieu. Voici dix formules saillantes, chacune explicitée dans son contexte.

« La terre, notre maison commune, semble se transformer toujours davantage en un immense dépotoir » (n. 21)

Une métaphore puissante pour un constat accablant : l’état écologique du monde se dégrade à vue d’œil. François parle ici des déchets, de la pollution des sols, des océans, de l’air, mais aussi de notre indifférence croissante vis-à-vis de ces dérèglements. La terre, dit-il, n’est pas un stock inépuisable à notre service, mais un espace fragile que nous habitons en commun. Et que nous sommes en train d’abîmer à un rythme alarmant, en rompant les équilibres qui la font vivre.

« Tout est lié » (n. 16, repris tout au long du texte)

Cette affirmation constitue l’un des principes fondamentaux de l’écologie intégrale prônée par le défunt pape. Elle exprime l’interdépendance de tous les éléments de la création, qu’ils soient naturels, sociaux, économiques ou spirituels. François invite à dépasser une vision fragmentée du monde pour adopter une approche systémique. Cette interconnexion universelle implique que chaque action, même minime, peut avoir des répercussions sur l’ensemble du système planétaire.

« Nous ne sommes pas Dieu. La terre nous précède et nous a été donnée » (n. 67)

Le pape remet en cause un anthropocentrisme destructeur qui place l’homme au-dessus de tout. L’humain, grisé par sa puissance technologique, s’est cru maître de la nature et autorisé à l’exploiter sans limites. Or, nous ne sommes que des hôtes sur une planète donnée, non possédée, et qui a ses propres lois. Cette phrase appelle à l’humilité : habiter le monde avec gratitude, respect et responsabilité, non avec domination et arrogance.

« Il faut entendre tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (n. 49)

L’écologie et la justice sociale sont intimement liées. Ce sont les plus vulnérables qui subissent les premières les conséquences du dérèglement climatique : zones polluées, famines, migrations forcées, catastrophes naturelles… François appelle à écouter leurs souffrances et à les placer au centre des décisions. L’écologie n’est pas un luxe réservé à quelques privilégiés : c’est un enjeu de survie et de dignité pour tous.

« La technologie qui, liée à la finance, prétend être l’unique solution aux problèmes, est incapable de voir le mystère des multiples relations qui existent entre les choses » (n. 20)

Le pape critique ici la foi aveugle dans la technique moderne, souvent pilotée par des logiques de rentabilité court-termiste et de croissance illimitée. Il ne rejette pas l’innovation en soi, mais alerte sur une vision du monde trop réduite, qui oublie l’éthique, la complexité, le vivant, et les liens invisibles entre les êtres. Il faut, selon lui, engager une autre manière de penser : plus relationnelle, plus respectueuse, et moins utilitariste.

« L’environnement est un bien collectif, patrimoine de toute l’humanité et responsabilité de tous » (n. 95)

L’écologie ne peut être laissée aux seuls experts, gouvernements ou entreprises : elle est une affaire commune qui engage chacun de nous. François rappelle que la planète est un bien partagé, un héritage collectif à gérer avec soin, au niveau local comme à l’échelon mondial. Il critique ici les logiques d’appropriation privée des ressources naturelles, souvent menées au détriment du bien commun et des générations futures.

« L’indifférence ou la résignation conduisent à une forme de cruauté » (n. 54)

Le pape François alerte encore: ne rien faire face à la crise écologique, c’est participer à sa violence d’une manière silencieuse mais bien réelle. Cette « cruauté passive » résulte souvent d’un sentiment d’impuissance ou d’un fatalisme ambiant qui paralyse les consciences. François appelle en ce sens à rompre avec cette torpeur morale, à réveiller notre capacité d’indignation, et à retrouver le goût de l’engagement, du courage et de la responsabilité partagée.

« La culture écologique ne peut se réduire à une série d’urgences ou de réponses partielles » (n. 111)

François refuse les solutions superficielles ou temporaires. Recycler, consommer local ou limiter les emballages sont nécessaires, mais insuffisants. Il faut revoir en profondeur nos modes de vie, notre rapport à la consommation, à la nature et aux autres. Pour lui, l’écologie doit devenir un principe structurant de nos valeurs, de notre éducation, de nos choix politiques et économiques. Il appelle ainsi à une véritable conversion culturelle.

« L’accumulation de constantes nouveautés consume la profondeur de la vie » (n. 113)

Une critique cinglante de notre culture de l’immédiateté et de la vitesse. Dans cette quête de nouveauté permanente, nourrie par la publicité et les réseaux, on finit par perdre le sens, la profondeur, et même le goût du bonheur. Le pape invite à ralentir, à retrouver du temps pour la contemplation, la gratitude, la beauté du quotidien. Contre le vide existentiel que creuse la surconsommation, il propose une redécouverte de la sobriété joyeuse.

« Un crime contre la nature est un crime contre nous-mêmes et un péché contre Dieu » (n. 8)

Cette citation empruntée au patriarche Bartholomée, en ouverture de l’encyclique, place l’écologie sur le terrain spirituel autant que moral. Détruire la nature, c’est se blesser soi-même, mais c’est aussi trahir notre lien au divin. Le prédecesseur de Léon XIV invite ainsi à voir dans la défense de la création non seulement un acte de justice, mais aussi une exigence de foi, une manière de vivre notre spiritualité de façon incarnée et responsable.